Dieu est-il un ami?
Qui n’a jamais entendu dire — au catéchisme ou lors d’une homélie — que Jésus est ton ami. Le tout pourrait facilement être illustré par « l’icône de l’amitié ». Si cette image peut servir d’introduction, jusqu’où reste-t-elle vraie ? Jésus pourrait-il décevoir où trahir comme n’importe quel ami? Bref, Jésus est-il vraiment mon ami ? Suis-je l’ami de Jésus? Pour moi, il s’agit d’autre chose.
Dans les Évangiles, certains sont appelés amis de Jésus, notamment les disciples (Jn 15,15). Ils ne sont pourtant pas toujours les plus clairvoyants. En fait, être l’ami de Jésus n’est pas un titre de noblesse. En effet, Jésus dit de Judas qu’il est son ami alors même qu’il sait qu’il va le trahir (Mt 26, 50). Et surtout, aux yeux de beaucoup, Jésus est avant tout l’ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs (Mt 11,19).
Et avez-vous remarqué ? Si certains personnages bibliques sont définis comme amis de Jésus, personne ne se définit, lui-même, comme tel (Jn 11,11). Un premier élément de réponse est que c’est Jésus qui se fait notre ami. Dieu se fait proche des êtres humains. L’inverse est-il seulement possible ? Pouvons-nous vraiment décider par nous-mêmes d’être ami·es de Dieu ? « Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime. » (Jn 15,13) La proposition n’est-elle pas au dessus de nos possibilités? Jésus, lui, peut dire qu’il l’a fait. Mais nous ?
Dans nos citations, il faut ajouter que nous avons omis un passage questionnant. Juste avant d’appeler ses disciples amis, Jésus dit : « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15,14). Notre compréhension contemporaine du mot ami ne semble pas vraiment compatible avec cette demande. Personne n’a de relations d’amitié basées sur l’obéissance. En réalité, le mot grec philos (que nous traduisons par ami) rend davantage compte d’une relation basée sur la réciprocité. Notre époque connait très bien la réciprocité, c’est le principe même du commerce. Cependant, dans la Grèce antique, cette notion se définit surtout en opposition à l’animosité (echthros) ou à l’indifférence (medetoeros). Plus que d’amitié, il s’agit donc d’entrer dans une relation positive. Faire en sorte que Dieu ait droit de cité dans notre vie.
La relation des apôtres à Jésus s’est enracinée dans sa vie terrestre, même si elle continue au delà. Mais ce n’est pas notre cas. L’amitié ne nécessite t-elle pas la corporalité? Il y a néanmoins un contexte où le mot ami, dans son acceptation actuelle, me semble particulièrement ajusté quand on parle de Dieu. C’est quand nous parlons d’être ami·es dans le Seigneur. Nous pouvons être des ami·es d’école, de travail, de longue date… Ce qui crée notre amitié est alors un évènement, une tranche de vie, une affinité. Qu’en serait-il si la source de notre amitié était la recherche de Dieu ?
Olivier Caignet
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